FRANCIS TERRADE dit fantôme, je suis né le 20 mars 1957 à Cognac dans le beau pays de la Charente. Le projet (mot politiquement correct en cette fin 2017), je l'ai mis en œuvre il y a 26 ans. J'étais alors dans un environnement de friches industrielles. Cathédrales
abandonnées d'un passé révolu. J'aimais m'y perdre. Ces endroits oubliés m’accueillaient, sanctuaires de réflexions et de rêveries. J’observais cette solitude de poussière et d’insectes voletants, de toiles tendues où s’emprisonnait la lumière qui transperçait par des carreaux fracturés, en d'obliques rayons. Très haut dans le ciel des plafonds, accrochées à des charpentes métalliques sous du verre armé, dirigées vers le sol, brillaient immobiles, transparentes à peine encore après le dépôt gras du temps: des lampes.
Suspensions ou appliques, des verres en forme de sein de femme, des jupes plates émaillées, des courbes ombragées de pieds articulés, ces formes étaient bien plus que des lampes. Une galerie d’objets, oubliés des maraudeurs qui ne cherchant que le gain immédiat éventraient le sol pour les fils de cuivre, sans intérêt pour cette poésie suspendue. C’était comme un signe, ma chance. Je devins ainsi maraudeur des airs, quelques fois à 20 m du sol. J’avais trouvé "mon matériau" et la prolongation "logique" de ma passion pour la lumière que je véhiculais déjà pour tous les prétextes qui m’étaient donnés: le théâtre et la musique principalement.
L'idée de l'atelier germait depuis quelques temps et je venais de m'installer dans le lieu adéquat. Je m'activais en assemblages et polissage de cuivre avec ces objets sortis du néant. Ma première exposition en 1996 fût un triomphe, m'associant au "Chats Pelés" Christian Olivier pour le parcours de présentation: un labyrinthe ludique et chic où déambulait un public émerveillé.
Passé ce bouleversement de la confrontation au public, je voulais explorer de nouvelles formes et modeler le corps humain. J'y vins à mon insu, des arbres dans une forêt de montagne m'inspirèrent cette représentation. Ces arbres avaient une particularité: ils poussaient latéralement, comme des corps en extensions douloureuses, ce qui allongeait leurs branches à nu, pour chercher la lumière. Mes premières sculptures étaient maladroites, mi humaines mi végétales, comme enracinées et légères en même temps. Le cheminement laborieux et l'amour des femmes me conduisirent vers la représentation du corps féminin, que je cherchais à reproduire en mouvement. Le cuivre, jusqu'alors en complément d'assemblage, devint la matière principale. La soudure d'un alliage d'étain qui me permettait de coller les parties dans la première période, je la mettais en forme et la modelais en personnages élancés, élégants. Cette représentation fût pendant les deux décennies qui ont suivi, le modèle de mes sculptures.
Ces trois dernières années, je cherchais du volume. Le bouleversement technologique des ampoules et les nouvelles normes d'accessoires, m'obligèrent au renouvellement. J'avais toujours travaillé en réflection et ainsi chaque pièce était coiffée d'un chapeau pour un renvoi de la lumière. Pour mes dernières réalisations, je découpais et assemblais en géométrie symétrique des triangles, pour en faire des cônes aplatis. L'idée me vint d'étirer mes cônes et de faire les parties stratégique du corps en plusieurs éléments distincts que j'assemblais, jusqu'à trouver des proportions idéales.
Aujourd'hui telles des phares, mes sculptures de lampes bravent la tempête du "low-cost" jetable et se suffisent de peu d'énergie.